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“Nous aurions pu les appeler Désirée et Fortunée“

Paul JABERT : Lorsque nous avons décidé de faire un nouvel enfant, la gynéco nous a prévenus  après le retrait du stérilet « attention, vous pouvez tomber enceinte tout de suite … » Super … la réalité fut tout autre.  Cinq ans d’attente, de traitement, d’angoisse pour finalement avoir la joie d’accueillir Perrine et Amélie dans notre famille.

Nous avons ”testé” la méthode naturelle : sans résultats.  Nous sommes donc allés voir notre médecin qui tenta, après quelques examens,  un premier traitement de base, pour essayer de retrouver un cycle normal. Il fallait de plus « viser « la période propice à l’aide de la courbe de température. C’était déjà la fin de notre liberté sexuelle.
2ème échec. Nous sommes donc dirigés vers l’hôpital d’Orléans et un gynéco réputé, le docteur D.  De nouveau la batterie de test complet (parce qu’il n’a pas confiance dans les résultats des laboratoires privés !!! ) et nouveau traitement car  pour lui la cause de cette infertilité secondaire n’est pas celle trouvée par le premier médecin. Nous voila donc repartis pour 12 mois de traitement, suivis de courbe de température et rapports programmés aux moments opportuns qui ne correspondent pas forcément aux moments où nous avions envie de les avoir. Ça met déjà à mal la vie de couple. Rajoutons à cela les effets secondaires des traitements donnés à Madame.
L’age de celle-ci avançant, nous finissons au bout de 12 mois par lui demander de “passer à la vitesse supérieure”
« - mais Madame, de toute façon, vous ne serez pas acceptée à Tours (le centre de PMA le plus proche) et puis ne vous inquiétez pas en Italie, ils font des bébés jusqu’à 60 ans »
Ouh la la !! que n’avait il pas dit là ! Pour  qui connaîtrait mon épouse, ils pourront imaginer les échanges.
Il nous explique tout de même pourquoi  nous n’aurions pas été acceptés à Tours : mon épouse était “trop vieille” (la fertilité chute après 35 ans) et notre premier enfant était né avec une anomalie chromosomique. Tout pour faire chuter les statistiques du  centre. Il faut savoir que les centre de PMA sont soumis à un agrément et que le dit agrément est délivré en partie en fonction des résultats obtenus, c’est-à-dire du nombre de grossesses obtenues par rapport au nombre de cas traités. En cas de résultat insuffisant, l’agrément peut être retiré, et certains centres peuvent être tentés de « sélectionner « les cas  à l’entrée pour ne garder que ceux qui ont le plus de chance de voir leur projet de grossesse aboutir.
Le docteur D. consent tout de même à nous faire un courrier introductif pour une clinique privée à Neuilly.
Nous voici donc dans la 4ème phase de notre parcours, nous montons à Neuilly et nous garons notre petite voiture au milieu des Mercedes, Porsche et même Rolls Royce !!! Le cadre est verdoyant, la clinique très propre et le prix de la consultation ASSOMMANT.
En effet dans la salle d’attente du gynéco parisien, nous avons loisir de découvrir ses tarifs affichés. Oups!… Nous nous regardons à deux fois avec mon épouse, mais nous étions sur place, il aurait été bête de faire demi tour et nous le voulions cet enfant !
Le docteur T. nous reçoit, étudie notre dossier et nous dit « pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de venir me voir ?». Etonnement de notre part. Bref passons. Il nous indique qu’il va tenter d’abord l’insémination intra utérine sur une stimulation ovarienne et une induction d’ovulation. Si au bout de 3 tentatives, il n’y a toujours pas de résultats, il faudra passer à la fécondation in vitro.
Il nous prévient d’entrée du risque de grossesse multiple. Cela ne nous dérange pas, au contraire depuis le temps que nous attendons …
Nous lui demandons comment se passe le suivi du traitement et si nous pouvons faire celui-ci sur Orléans, notre lieu de résidence. Très conciliant, il nous dit que les actes gynécologiques seraient faits à Neuilly mais que le reste (prise de sang et échographie) pourrait être réalisé à Orléans.
Il nous dit même connaître personnellement le Docteur M  à l’hôpital d’Orléans et nous fait une petite lettre d’introduction.
Nous commençons donc le traitement qui consiste à stimuler les ovaires , à déclencher l’ovulation quand un ovocyte est arrivé à maturation, et à placer le sperme du mari directement dans l’utérus de la femme.
Le docteur M nous fait les échos, téléphone ses résultats et ceux des dosages sanguins au Docteur T qui gère donc notre dossier depuis son bureau de Neuilly. Donc au bout de 7 jours de traitement, nous faisons la première échographie et Oh surprise, 23 follicules à droite et 15 à gauche. Il faut stopper tout traitement avec interdiction d’avoir un rapport même avec un préservatif. Encore un coup dans l’eau.

On recommence lors d’un nouveau cycle, avec un autre médicament,  tout se passe “bien” : les follicules grandissent, le taux d’hormones est optimal.
Le docteur T. finit par ordonner le déclenchement de l’ovulation. Il faut trouver l’infirmière qui accepte de venir un soir à 23 heures pour la piqûre (en effet le déclenchement de l’ovulation doit avoir lieu 36 heures avant l’insémination de façon  que l’ovocyte rencontre les spermatozoïdes au bon moment.)  Nous repartons le jour J pour Neuilly et me voici seul, dans une petite salle, devant un flacon, une notice et quelques revues pour aider ma libido. Pas facile la première fois,  en plus il y avait toujours du passage dans la pièce contiguë et le fait d’entendre une porte s’ouvrir (même si je savais que la mienne était fermée à clé !) me faisait reprendre tout à zéro.
Le recueil enfin fait, il est traité de façon à concentrer (par une méthode de gradient) un maximum de spermatozoïdes dans un minimum de liquide. Au bout d’une petite heure, donc, nous sommes appelés dans un box de gynécologie  afin de procéder à l’insémination intra utérine.
Nous attendons 12 jours pour pratiquer le test de grossesse qui se révèle négatif. Nous recommençons ainsi 2 autres fois de manière identique (sauf peut être que le bruit de la porte a fini par ne plus me gêner du tout) avec toujours le même résultat. On a beau se dire que chaque tentative nous rapproche du but, chaque échec est douloureux pour l’homme mais aussi pour la femme à qui on supprime brutalement tout traitement hormonal augmentant ainsi l’impact psychologique de l’échec.


Joëlle JABERT : En effet le traitement n’a pas que des effets secondaires physiques, ils sont aussi mentaux. Je souhaite attirer l’attention sur le fait que ces prises d’hormones provoquent une irritation sur le caractère et qu’à chaque échec, vous vous retrouvez seule devant ce problème et la sensation de mal être est grande ;  à l’extérieur vous regardez ces ventres ronds, la layette, ces femmes avec leur bébé et vous vous dites : «et pourquoi moi je ne peux pas donner un enfant à l’homme que j’aime ?» Tout vous ramène à votre infertilité.
Je trouve dommage qu’il n’y ait  pas de suivi psychologique pour les couples après les échecs.
PJ : A l’évocation de ces moments, il me revient en mémoire l’échec de la deuxième tentative. C’était en décembre, à la période de Noël, le test de grossesse sanguin était très faiblement positif, maigre espoir vite balayé par la prise de sang de contrôle qui signifie sans détour une fausse couche précoce. Même si maintenant avec le recul, je me dis que l’embryon n’était pas viable, raison de la fausse couche, je n’ai pu me résoudre à cet échec qui m’a profondément affecté pendant plusieurs semaines.
JJ : Je me souviens du désarroi de mon conjoint suite à cette fausse couche  ;  son moral était tellement bas qu’il m’entraînait dans son désespoir.
PJ : 5ème phase, nous voici donc maintenant en protocole de FIV (Fécondation in vitro). Le traitement pour mon épouse est « plus fort « car il faut pouvoir recueillir un maximum d’ovocytes. Les effets secondaires sont aussi plus forts.
JJ : Pour la femme le traitement est très dur à vivre, les injections sont épaisses et grasses et donc de ce fait douloureuses. Après chaque piqûre je m’appliquais un gant de toilette très chaud sur la fesse afin de favoriser la dispersion du produit. Viennent ensuite les douleurs dans le ventre, la poitrine, les bouffées de chaleur qui vous font croire que vous êtes en ménopause, accompagnées d’une transpiration forte et abondante ; tous sont les effets  secondaires du traitement.
PJ : Les journées se succèdent entre échographie et prise de sang, les dosages sanguins ne sont pas bons, l’échographie de montre pas de follicules de taille suffisante. Il faut augmenter la dose encore et encore jusqu’à ce que leur nombre et leur taille  soient suffisants. L’ovulation est alors déclenchée 36 heures avant  l’acte de prélèvement. Là l’anesthésie locale ne semble pas vouloir fonctionner et mon épouse “déguste” pendant la ponction d’ovocytes. Ils ont dû interrompre à cause de la douleur, mais la « récolte « n’en reste pas moins satisfaisante. (pendant ce temps, j’ai joué aussi avec mon petit flacon…). Nous retournons sur Orléans et 48 heures plus tard, nous sommes rappelés pour la réimplantation.
On réimplante de la même manière que l’insémination et nous retournons sur Orléans. Les douleurs dans le ventre de mon épouse qui n’avaient pas totalement disparu augmentent et nous consultons en urgence à l’hôpital d’Orléans. Le Docteur M fermait le service quand il nous aperçoit, il rouvre immédiatement sa salle d’examen, fait une échographie et le diagnostic tombe immédiatement : hémorragie interne.
Voici donc mon épouse hospitalisée, son taux d’hémoglobine descend jusqu’à 6,5 g/l. Au bout d’une semaine, son taux d’hémoglobine remonte, mais les ennuis ne sont pas finis. Suite aux fortes doses d’hormones reçues pour la stimulation, les ovaires ont été hyperstimulés et voici le ventre de ma femme qui enfle à vue d’œil (sans rire), il se remplit d’ascite, les ovaires n’étant plus maintenus par la paroi abdominale, ils menacent de se tordre si ma femme se lève. Elle est donc condamnée à rester allongée pendant encore 4 semaines et fait un début de phlébite. Inutile de dire que la FIV n’a pas réussi.

La récolte de la ponction ayant été “bonne”,  des embryons avaient pu être congelés ; ils furent  réimplantés après une simple préparation hormonale de l’utérus. Là, nouvel échec (c’est souvent le cas – les embryons congelés sont plus “fragiles” du fait de la congélation – décongélation)

Nous voici donc repartis pour un nouveau protocole FIV – ce serait le dernier – mon épouse a 40 ans et tente cet ultime essai pour me faire plaisir. Pour la deuxième ponction, ma femme et moi avons voulu une anesthésie générale (là encore nous avons la surprise de faire l’avance des frais d’hospitalisation – les services comptables n’avaient pas l’habitude de se voir négocier un règlement en trois fois !). La ponction se passe bien, 23 follicules collectés, 14 seront fécondés, nous sommes rappelés le lendemain pour savoir si nous acceptons la réimplantation de 5 embryons. Malgré le risque évident de grossesse multiple, nous acceptons cette proposition. Nous sommes donc convoqués le surlendemain à la clinique pour la réimplantation.
Tout va bien, mais au bout de huit jours, un vendredi soir ma femme se plaint de douleurs intenses non pas dans le bas ventre, mais au niveau des ovaires. A 23 heures, j’appelle le 15, le médecin régulateur m’envoie SOS Médecin qui diagnostique, malgré les antécédents … une gastro !!!
Le samedi en rentrant du travail, je trouve mon épouse avec un ventre gonflé , comme la première fois. Reconnaissant les symptômes, nous partons donc aux urgences. L’interne ne met pas trois minutes à faire son diagnostic = hyperstimulation. Revoici donc mon épouse hospitalisée avec de nouveau interdiction de se lever. C’est le lundi matin suivant, en sortant de la chambre de mon épouse, que je rencontre le Docteur M dans le couloir, il me tend sa main avec un grand sourire. Le test de grossesse est positif !!! BONHEUR. Nous allons ensemble annoncer la nouvelle à mon épouse. Sa réaction : « combien y en a-t-il ? un ? deux ? trois ? » Le docteur M tempère l’enthousiasme de mon épouse en nous disant qu’il faudra attendre.
Joëlle ayant des échographies tous les jours pour surveiller les ovaires, le docteur M. glissait gentiment sur l’utérus pour “voir”. Et voila qu’un jour nous avons vu 1 point sur le moniteur, le lendemain un deuxième. Des jumeaux !!! Nous étions fous de joie, non pas que nous désirions des jumeaux à tout prix, mais parce que 5 ans d’effort (surtout pour mon épouse) étaient enfin récompensés. Le surlendemain, le médecin semble deviner un troisième point. Là je blêmis un peu, mais pas mon épouse qui s’était faite à l’idée. Plus tard le 3 troisième point a disparu tandis que les deux premiers “clignotaient” de plus belle.
Nous aurons donc des jumeaux. Pas question pour autant de se lever, la grossesse ne faisant qu’accentuer l’hyperstimulation (pendant les 6 premières semaines), mon épouse est donc restée à l’hôpital à ronger son frein, les échographies journalières pour surveiller les ovaires rythmant notre vie et le docteur M. prenait toujours le temps de glisser vers eux– nous avons donc vu les points devenir « crevettes « ou « haricots «. L’état de Joelle se stabilisant enfin, les échographies se sont espacées – très durs à vivre les premières fois : ne va-t-il rien se passer entre les 2 écho ?. Une fois tous les deux jours, puis deux fois par semaine, puis une fois par semaine. Au bout de 5 semaines, mon épouse est renvoyée à la maison, avec repos obligatoire et donc arrêt de travail. La suite de la grossesse s’est passée comme par magie. RAS.  Perrine et Amélie sont nées un 19 mai 1999, elles auraient pu s’appeler Désirée et Fortunée.
Ce petit témoignage n’est que le reflet de notre histoire, il y a autant de cas que de couples infertiles, il peut paraître dur à certains, ou insipide à d’autres qui ont bien plus « galéré « que nous pour avoir (ou n’avoir pas) d’enfants.

JJ : Je ne peux clore ce témoignage sans vous dire à quel point Amélie et Perrine illuminent notre vie depuis 7 ans  et aujourd’hui si c’était à refaire et bien oui je le referai malgré les difficultés de tous ces traitements.

PJ : Pour conclure, je voudrais par la présente remercier le Docteur M qui nous a toujours soutenu et encouragé dans notre parcours et ce bien au-delà de ce que font la plupart des médecins. Merci aussi au personnel du service gynécologie du centre hospitalier d’Orléans pour leur gentillesse. Merci à Christophe, notre ainé qui avait 15 ans à la naissance de ses soeurs et pour qui toutes ces tentatives n’ont pas toujours été faciles à vivre. MERCI enfin et surtout à mon épouse d’avoir subi tous ces traitements afin de m’offrir la joie d’être le  père comblé que je suis aujourd’hui.